Deux mois à Toronto !

10 septembre 2020

On est arrivés le 1er juillet (Canada Day!), par 35°C, en nage et bien chargés. C'était il y a déjà plus de deux mois ! Ces jours-ci, la lumière change et l'air s'est fait plus vif, surtout en soirée, et on sent qu'on est en train de quitter l'été et d'arriver tranquillement vers l'automne. À part ces réflexions climatiques, que s'est-il passé pendant ces deux mois et quelques ?

panorama depuis les hauteurs de Broadview

La vie quotidienne à Toronto

Continuer à découvrir la ville

Nous avons poursuivi notre découverte de la ville, entamée avec enthousiaste dès notre sortie de quatorzaine. Ce qui est vraiment chouette dans le fait d'être là pour longtemps, c'est qu'on a cessé de courir d'un point à l'autre avec en tête l'idée de "tout voir". On fait des petites balades à pied ou à vélo, on ne va pas forcément tous les deux au même moment au même endroit, on fait des découvertes chacun de notre côté... On sait qu'à tout moment on pourra revenir et montrer tel ou tel endroit à l'autre, sous un jour différent. Ça reste une forme de tourisme mais c'est un peu différent, moins effréné et plus tourné vers la vie quotidienne. On repère des boutiques, des cafés, où on sait qu'on va retourner régulièrement, plutôt que de chercher l'extraordinaire qu'on fait une fois. Et c'est très agréable !

Du point de vue de la vie quotidienne, on adore notre quartier, dans lequel on a atteri par hasard et qu'on ne connaissait absolument pas avant de venir. Nous sommes situés Downtown, mais dans l'est de la ville, juste à côté de la rivière du Don*. Le quartier s'appelle Corktown, parce qu'il a principalement été peuplé par la vague d'immigration irlandaise du XIXème siècle. Ce qui est vraiment top par rapport à son emplacement, c'est qu'on est très proche du coeur de la ville mais en même temps qu'on peut très vite s'échapper vers les plages d'Ashbridge's Bay et Woodbine. 10 minutes de vélo vers l'ouest, et on est au milieu des gratte-ciels. 10 minutes vers l'est, et on pourrait se croire sur un sentier douanier. 10 minutes vers le nord, et c'est l'immense parc de Riverdale avec ses grandes pentes en herbe (vivement qu'il neige !), sa ferme (oui oui) et ses terrains de sport. On a deux ou trois supermarchés dans ce rayon de 10-15 minutes, et surtout un super marché fermier quasiment en bas de l'immeuble (mais j'y reviendrai). Bref, si la plupart des immigrants français semblent être plutôt rassemblés dans l'ouest de la ville, dans des quartiers comme Liberty Village, Trinity-Bellwoods ou Kensington, on est très heureux d'être à Corktown.

* C'est drôle parce qu'il y aussi une rivière qui s'appelle le Don en Ille-et-Vilaine. Pas dépaysés !

Un mot sur l'environnement urbain : Toronto n'est pas une mégalopole étouffante, loin de là. D'une part parce qu'il y a de la place et on y respire bien (mieux qu'à Paris par exemple). Les parcs sont nombreux et les rues sont larges. La ville fait un gros effort en ce moment sur les aménagements piétons et cyclistes (tous les week-ends, certaines grandes rues et routes sont fermées aux voitures et ouvertes aux vélos, rollers, coureurs...) et on ne se sent pas "écrasés" par la ville. La présence d'un lac qui fait la taille de la Gironde et des Landes réunies n'y est évidemment pas pour rien. Ça veut dire qu'en quelques minutes, vous pouvez être face à l'horizon (et les pieds dans l'eau) et ça, ça donne une sacrée impression de liberté. Tout n'est évidemment pas rose et deux choses "méritent" toutefois d'être mentionnées : les chantiers immobiliers et la présence de nombreuses personnes SDF.

Toronto, une ville en construction perpétuelle

Si vous regardez des images de la skyline de Toronto des années 60 à aujourd'hui, c'est frappant : la ville ne cesse de s'étendre, pas tellement en longueur ni largeur, mais en hauteur. Partout, d'un bout à l'autre de la ville, des immeubles se construisent. Grands et chers, pour la plupart. C'est une sensation bizarre : bien sûr, les gratte-ciels font un peu rêver, d'autant que leur architecture est variée ici, il y en a de toutes les formes et de toutes les couleurs. En revanche, on peut penser que ce développement urbain frénétique ne peut pas être qu'une bonne chose. De nombreuses petites maisons basses en briques sont démolies pour céder la place à des condos* qui seront loués pour un loyer bien supérieur. Entre destruction du patrimoine des XIXème et XXème siècle et gentrification, on ne peut s'empêcher d'espérer que la ville reviendra à la raison à un moment. Quitte à répliquer ce qui s'est fait dans le Distillery District par exemple : conserver les bâtiments d'origine au rez-de-chaussée et construire un condo moderne au-dessus. C'est un moindre mal.

* Un condo, abrégé de "condominium" est un immeuble d'habitation plutôt haut de gamme, qui propose des services supérieurs à ceux d'un immeuble classique : conciergerie, salle de sport, salle de conférences, parfois piscine, jacuzzi ou sauna, etc.

vue de la piscine du condo et des chantiers de construction
Voilà, comme ça on voit clairement ce que propose un condo, et aussi le nombre de grues et de chantiers en cours !

Mais que fait la police la santé publique ?!

Il faut savoir une chose : il y a beaucoup de personnes qui errent dans les rues à Toronto. Mais vraiment beaucoup. Et ce ne sont pas les mêmes que "nos" personnes SDF françaises. Ici, les gens à la rue sont soit clairement sous drogues (fortes, type meth ou Fentanyl) soit clairement dans un état mental euh... compliqué. Ce ne sont pas des punks à chiens comme on peut voir à Bordeaux ou à Rennes, ni des gens amenés dans la rue par des revers de fortunes (perte de boulot, divorce, etc.) ni des alcooliques - ou en tout cas ce n'est pas leur problème principal. Ici on dirait clairement que ces personnes devraient être en désintox ou en institution (ou les deux). On voit des gens littéralement immobiles face contre terre, c'est assez impressionnant. D'un point de vue égoïste, je dirais qu'au moins on ne s'est jamais fait harceler (pas de mec ivre mort qui te hurle dessus), mais d'un point de vue civique, c'est assez terrible. Ces personnes ont clairement besoin d'aide, et même s'il y a plusieurs refuges pour SDF, on dirait bien que la prise en charge n'est pas suffisante. Et c'est pas encore l'hiver...

Une vie sans voiture

Je ne sais plus si je l'ai déjà mentionné mais avant de partir, ça faisait depuis 2012/2013 qu'on vivait à la campagne. Entre le Gers et l'Entre-Deux-Mers, autant dire que la voiture, ou plutôt les voitures étaient vraiment essentielles (surtout en faisant du sport et de la musique, ce qui implique de trimballer des trucs lourds et encombrants). On avait donc chacun une voiture... et chacun une moto. Je faisais 100 km par jour pour aller au boulot et Mathieu 40. Ça en fait du temps passé dans un véhicule ! Or, à Toronto (downtown en tout cas), à moins d'être riche et d'avoir envie de galérer comme il faut, avoir une voiture, c'est plutôt nul. Il faut payer un parking ou a minima un permis de résident (20 $CAD par mois minimum, 60 pour un deuxième véhicule), une assurance (1500 $CAD par an), la voiture en elle-même évidemment et toutes ses réparations, 120 $CAD annuels pour la vignette, etc. Un puit sans fond, quoi. Donc on a dit "pas de voiture". Et franchement, même si ma voiture a été l'extension de ma maison pendant plus de dix ans, c'est extrêmement bénéfique de ne plus en avoir. Financièrement, bien sûr, mais aussi parce qu'on marche plus, on fait plus de vélo, et on voit plus la ville. On verra ce que ça donnera quand il fera -15°C mais pour le moment, on profite pleinement d'être dans une grande ville où on peut être des piétons heureux.

La Grande Bouffe

Un des trucs qui inquiétait le plus notre entourage, c'était pas la distance, le décalage horaire ou trouver un emploi, non, c'était : "mais qu'est-ce que vous allez pouvoir manger là-bas ?!". Alors, pour le moment on a mangé : indien, perse, chinois, tibétain, mexicain, italien et bien sûr "américain du nord". Franchement... On n'est pas malheureux ! Et on n'a même pas attaqué la cuisine japonaise, éthiopienne, grecque, vietnamienne, indonésienne, portugaise etc. Mais surtout, on est pour l'instant plutôt satisfait de ce qu'on trouve dans les magasins (à quelques exceptions près). C'est l'été donc les fruits et légumes de l'Ontario font bonne figure. On n'a jamais été des grands mangeurs de pain, donc on se passe de baguette, surtout avec la quantité de pains différents qu'on trouve ici (naan, roti, pita...). Si jamais, il y a une boulangerie française à 5 minutes, tout va bien. Pareil pour le fromage : certes, ici pas d'emmental râpé mais on l'a avantageusement remplacé par de la "mozza" (du fromage qui fond, quoi) et l'Ontario produit énormément de fromages différents. Enfin, le super marché dont je parlais plus haut, l'Underpass Park Farmers Market a une offre impressionnante et de grande qualité : fruits, légumes, fromages, pâtisseries et pains, poisson de la mer de Baffin, chocolaaaaat... Il y a même du vin (du bon, pas du Château Thierry !) et euh, des croquettes pour chien. Tout ça vendu directement par les producteurs, qui sont tous basés à moins de 3h de Toronto. On se fait plaisir, j'ai l'impression qu'on va être très malheureux quand le marché s'arrêtera en octobre ! En fait, je pense que le seul gros changement dans notre alimentation est la quantité de viande et de poisson qu'on achète. Au final, on en mange au resto mais pas tellement chez nous. C'est peut-être pas plus mal !

un étal de fruits de l'Underpass Park Farmers Market

Pfiouh, j'allais passer au paragraphe suivant sans vous recommander deux-trois bonnes adresses ! Quelle erreur ! Voici quelques endroits qui sont en passe de devenir nos QG :

  • On the Rocks : sur Front Street, cet endroit vu de l'extérieur ressemble à un pub... C'est en fait un bar karaoké chinois ! Ce qui permet de combiner trois choses merveilleuses : des bières pas chères, des écrans pour regarder le sport ET des soupes pho ! On The Rocks a l'avantage d'être très près de chez nous et très peu cher, avec des specials qui changent tous les jours de la semaine (le lundi c'est Ribs ou Wings + bière locale à 10 $CAD par exemple).
  • Figs Breakfast & Lunch (Queen East & Parliament): un jour où on voulait bruncher mais où l'endroit qu'on visait était plein, on s'est rabattu sur Figs. On a bien fait ! Parfait pour le brunch mais ils font aussi de gros sandwiches qui calent bien =) et ils sont très très gentils !
  • Stratengers (Leslieville, Queen E.) : ce petit diner ouvert par deux frères d'origine indienne en 1989 sert des pizzas (au feu de bois), salades, burgers, bref tout ce qu'on attend d'un diner. Ce qui fait la différence, ce sont les currys et biryanis hyper bons, copieux et pas chers.
  • The John Bar, celui sur Queen East. Notre première découvertes des backyards patios (les terrasses à l'arrière du bar). Un bon choix de bières, quelques trucs à manger en cas de fringales et des écrans pour regarder les Raptors écraser les Nets. Bonus : ils viennent d'installer une nouvelle serrure à la porte des toilettes après que Mathieu s'y soit retrouvé enfermé xD
  • Mystic Muffin : déjà mentionné dans nos premières découvertes, on y a repris du banana bread récemment et c'est toujours ce que c'était la première fois : une tuerie.
  • Night Owl : on y a dîné une fois, le vin est bon, les prix sont corrects par rapport à la qualité et la quantité et ils organisent des concerts... si un jour les concerts reviennent ! En attendant, ils font des "drag brunchs" qui ont l'air de valoir le détour ! Pas un QG, mais un bon spot !

Le budget, les thunes, les pépettes $$

Toronto est une ville chère, c'est dit régulièrement en long en large et en travers des zinternettes. Pourtant, peut-être que c'est l'insouciance de l'arrivée ou le fait qu'on avait vraiment mis beaucoup de côté en prévision, ou alors parce que notre ancienne vie nous coûtait pas mal cher, on n'a pas l'impression de trop galérer financièrement pour le moment.

Le gros du budget : logement, téléphonie, transport

On a eu la chance de trouver une sous-location vraiment avantageuse par rapport aux standards de la ville : notre petit appartement dans un condo ne nous coûte que 1860 $CAD par mois, internet et électricité compris. Il faut juste rajouter notre consommation d'eau, qui pour l'instant s'est montée à une somme faramineuse de.. 4 $CAD. L'internet inclus est un énorme plus (un abonnement correct coûte une centaine de dollars).

Dans les autres dépenses essentielles, on est chacun sur un forfait Chatr à 25 $CAD par mois. Clairement, on a pris le moins cher du moins cher en croisant les doigts pour que ça marche. Eh bien ça marche. Aucun problème de réseau, ça capte bien partout et le service client n'est pas hyper réactif mais ils sont là (contactés deux fois par Messenger, deux personnes différentes très serviables et efficaces). On n'a pas encore pris de pass TTC parce qu'il fait encore beau et qu'on peut tout faire à pied ou à vélo. On a quand même acheté une carte Presto (6 $CAD la carte) qu'on a chargée avec un peu d'argent pour pouvoir prendre les transports en commun "au cas où". Parce qu'ici c'est quasiment impossible d'acheter des tickets aux conducteurs de bus et trams, et il n'y a pas beaucoup de machines automatiques, donc si vous avez un besoin urgent (mettons, un gros orage !) de prendre le tram, si vous n'avez pas une carte chargée, vous allez galérer. Mathieu bosse à 7 minutes à pied de l'immeuble et moi... je serai de toute façon en télétravail jusqu'à nouvel ordre. Donc on économise pour l'instant les 143 $CAD mensuels d'un pass (et encore, c'est pour un engagement de 12 mois, sinon c'est encore plus cher). En revanche, on a immédiatement pris un abonnement pour le système de vélo partagés, Toronto Bike Share. 99 $CAD par AN, et des vélos en libre-service un peu partout dans la ville, on n'a pas réfléchi longtemps. Je ferai sûrement un article spécifique parce qu'au début c'est un sacré cirque pour comprendre comment ça fonctionne, mais en tout cas je crois qu'on a déjà amorti les 99 dollars. Et Toronto est une ville relativement* plate, idéale pour le vélo.

* Relativement. Je suis allée faire un tour vers l'est, quand il a fallu remonter Woodbine Avenue j'ai failli pleurer.

Courses et repas

À part le trio classique logement-téléphonie-transport, l'autre gros poste de dépense est l'alimentation. Par rapport à nos anciennes habitudes, on mange beaucoup plus souvent dehors, mais en privilégiant des endroits bon marché. Niveau courses, on va au plus près. Et le plus près, c'est un No Frills, l'équivalent d'un Lidl je dirais. Pas beaucoup de choix mais c'est pas très cher. Pour les fruits et légumes, on se tourne plutôt vers notre marché fermier, mais pour le reste c'est bien pratique. Je ne vous donnerai pas notre budget précis parce que tout le monde est différent là-dessus, mais plutôt quelques indications concrètes.

Côté "manger dehors"  un petit resto pas cher à 2 coûte environ 50 dollars avec boissons. Une soirée dans un pub (3 pintes chacun* et des nachos), environ 80 $CAD. Un burger sera entre 15 et 20 dollars pour du basique hors fast-food. Les pizzas sont peu chères par rapport à la France (26 dollars pour une pizza XL qui fait bien l'affaire pour deux).

* La faute aux prolongations du match 6 de la série Celtics-Raptors ^.^

Côté "manger à la maison" :

  • un paquet de bonnes pâtes style Barilla ou De Cecco sera entre 1,50 et 2 $CAD
  • Une boîte de tomates pelées, 2 $CAD
  • 12 oeufs bio : 6 ou 7 $CAD
  • Un paquet de pain de mie : entre 1 et 3 $CAD
  • 2L de lait bio : entre 5 et 7 $CAD
Le truc auquel il faut faire attention, c'est qu'ici c'est la loi du marché et il n'y a aucune réglementation sur les soldes, la vente à prix coûtant et même la vente à perte. Du coup, le pain de mie que vous avez payé 3 dollars avant-hier sera peut-être à 90 centimes aujourd'hui ! Dans la mesure du possible, guetter les promotions sur les flyers peut s'avérer très rentable.

Divers et conclusion

Dans nos petites emplettes, on a aussi pris quelques vêtements... et découvert Winners, aka la joie des radins amateurs de bonnes affaires ! C'est tout simplement une chaîne de magasins qui propose du dégriffé et du déstockage. Ce qui nous a permis de mettre la main sur des Vans à 40 dollars, des Levi's à 35 et des chemises Calvin Klein à 40 dollars également. On en a profité pour se refaire une petite garde-robe d'entretien et choper quelques -shirts des Blue Jays et des Maple Leafs... Pour l'intégration culturelle ! Les stocks de chaque magasin sont différents et changent régulièrement, ça vaut le coup d'y aller de temps en temps pour voir ce qui est arrivé.

En conclusion, on s'en sort plutôt bien. J'ai volontairement évité de convertir les dollars en euros, ça fausse un peu le point de vue, mais pour comparer, sachez qu'on avait en France un loyer de 800€ et que toutes charges comprises on était environ à 1200€. Du coup, 1860 ttc, ça fait dans les... 1200€ ! Alors oui, on a perdu en espace de vie, mais on est passé d'un village de 2000 habitants à une des villes les plus multiculturelles du monde donc euh... On n'a pas perdu au change (de notre point de vue).

Le boulot

On est arrivé sans emploi, avec deux pistes différentes. J'envisageais (et j'envisage toujours !) de trouver un emploi directement dans ma branche (l'ingénierie pédagogique), car c'est un domaine qui recrute beaucoup (en moyenne 3 à 5 nouvelles offres par semaine sur l'agglomération). Dans mon précédent boulot, 80% du contenu que je créais était en anglais, je n'ai pas une énorme barrière de langue donc c'est jouable. Mathieu était plus dans l'idée de trouver un emploi "en bas de l'échelle" le temps de perfectionner son anglais et de réfléchir à ce qu'il veut faire vraiment. Diplômé en éducation spécialisé, en comptabilité et avec de l'expérience en restauration, il a comme qui dirait l'embarras du choix. À notre sortie de quatorzaine, donc, on s'est pris quelques jours pour jouer les touristes et puis on s'est mis à postuler, chacun avec nos objectifs. Six semaines plus tard, voilà où on en est.

Travailler en restauration à Toronto post-COVID : fastoche ?!

Avec un beau CV refait aux normes canadiennes, qui fait état d'une expérience en restauration intéressante même si elle remonte à plus de dix ans, Mathieu s'est mis à démarcher un mardi. Le 21 juillet, je crois. Il a commencé par donner quelques CV en direct dans les restaurants et bars de King St et puis il avait vu une demande de commis de cuisine/serveur dans un resto français. Il a passé un entretien, qui s'est bien passé, mais finalement le lendemain il a été rappelé, ils avaient décidé de prendre quelqu'un avec plus d'expérience en cuisine. Le jeudi matin, il est retourné poser des CV, cette fois au Distillery District, tout près de chez nous donc. Jeudi à 17h, téléphone : entretien demain pour un poste de commis de cuisine ! Même s'il était un peu stressé, l'entretien s'est bien passé et paf ! Embauché ! Pour commencer le mardi qui suit, le 29 juillet. Deux jours de recherches, deux entretiens, un job : pas mal non ? Mais c'est pas fini ! On passe le week-end tranquillement, on profite de ces derniers jours sans activité pour se promener et on va passer le dimanche aux falaises de Scarborough. Quand tout à coup... TIN TIN TIN.

Le restaurant en face de celui où il a été embauché se manifeste à son tour ! Ni une ni deux, on rentre un peu plus tôt et Mathieu va passer son entretien là-bas. Et il est pris aussi. Vous voyez venir le dilemme ? Le premier paye 1$/heure de plus. Mais le 2ème est un job d'assistant barman, donc potentiellement il progresserait plus en anglais parce qu'il serait en interaction avec plus de gens. Mais le 1er, c'est le 1er. Mais le 2ème, il a eu un bon feeling avec le manager. Mais le 1er, c'était l'occasion d'essayer la cuisine, un truc qui le tentait. Mais quand même, améliorer l'anglais c'était le but premier. Une belle insomnie et quelques heures plus tard, c'est décidé : ce sera barback et pas line cook ! Le deuxième, donc. Il a commencé le 28 juillet, soit il y a un peu plus d'un mois et ça se passe bien, même si c'est évidemment un job tout en bas de l'échelle et que c'est pas toujours facile après avoir occupé d'autres postes.

Breaking news ! Il vient d'être promu barman. Ça veut dire des pourboires plus conséquents et des tâches plus intéressantes. Faut se dire qu'après avoir été directeur de colo, éducateur spécialisé et comptable (OK, assistant), se retrouver à laver des verres à 37 ans, c'est un peu dur. Faire des cocktails, c'est déjà mieux :-)

l'intérieur du restaurant Pure Spirits

En résumé donc, Mathieu a trouvé en cinq jours et après trois entretiens, sachant que ç'aurait même pu être en trois jours et deux entretiens. Pas mal pas mal, hyper bien même ! Il semble que la conjonction "rouverture des bars et des restaurants" + "absence des travailleurs temporaires habituels, PVTistes notamment" = bon plan pour bosser dans la restauration. Évidemment, c'est beaucoup du travail en soirées et week-ends. Tant que moi je ne travaille pas, je peux m'adapter (un peu, parce que je suis quand même une grosse marmotte) à ces horaires, mais à partir du moment *on croise les doigts* où je vais faire du 9 to 5, on risque de pas se voir beaucoup. On avisera à ce moment-là. Parce que voilà comment ça se passe pour moi...

Trouver du travail dans sa branche sans expérience canadienne : PAS fastoche

Pour ma part, j'avais convenu, avec l'aval de notre conseillère SÉO, de commencer à chercher directement dans ma branche, au cas où ça marche, tout en me donnant une deadline à partir de laquelle je chercherais un job alimentaire, au cas où ça marche pas. Ma deadline est théoriquement expirée... voilà où j'en suis.

Les processus de recrutement

J'ai été contactée par une agence de placement quasiment dès notre arrivée. C'était plaisant (je crois que c'est la première fois de ma vie que je me fais démarcher) mais le poste était assez éloigné de mes compétences? Disons que y'avait des mots-clés que l'agence avait dû repérer mais que les tâches de la fiche de poste me faisaient un peu peur. Et puis c'était à 1h30 de notre actuel chez nous. Et puis c'était un contrat de six mois, donc qui n'incluait aucun avantage type mutuelle. Et puis c'était juste en sortie de quatorzaine, au moment où nos échanges en anglais étaient encore limités à "Hi, no bag thank you, I will pay by card". Autant dire que pour mon tout premier entretien téléphonique, j'ai pas été hyper convaincante - parce que pas hyper convaincue, aussi. Mais je me disais, OK, tout juste arrivée, déjà démarchée, cool. Spoiler alert: c'était pas du tout significatif de la suite de mes recherches.

Au jour d'aujourd'hui, j'ai candidaté sur 38 postes. J'ai eu 6 demandes d'entretien téléphonique et un mail de refus poli. Zéro réponse pour les 31 autres postes. Après les entretiens téléphoniques, qui servent surtout à passer en revue le CV et les compétences pour un premier écrémage, j'ai eu un premier round d'entretiens. Je suis actuellement au deuxième round pour trois jobs, tous basés à Toronto. Si je passe ce deuxième round, j'aurais certainement un troisième entretien. Et après on verra ! Vous le voyez, ici le recrutement est un processus qui prend du temps. Faut dire aussi que sur certaines annonces, LinkedIn affichait 50, 60, 100, voire 200 candidats ayant postulés donc... y'a un peu de travail de tri, j'imagine.

Manque d'expérience canadienne et différences culturelles

Ce qui me semble évident, c'est que mon absence d'expérience canadienne est clairement un problème. Les 38 postes sur lesquels j'ai candidaté étaient tous exactement dans mes cordes, je ne suis pas allée chercher un peu à côté ou un peu au-dessus de mes compétences. Le fait de ne même pas être rappelée alors que mon profil correspondait parfaitement est à mon avis lié au fait que je n'ai jamais travaillé au Canada. On le savait mais bon, c'est toujours un peu pénible de le constater concrètement.

Ensuite, il m'a fallu un peu de temps pour m'habituer à la logique des entretiens ici. Pas de questions stupides (sérieusement, à mon dernier recrutement en France, on m'a demandé "ce que je ferais si j'avais une baguette magique". Vraiment ?!) mais des attentes très concrètes. Quand on vous demande "quelles sont vos qualités au travail ?", on n'attend pas "je suis quelqu'un qui travaille dur et je suis très serviable". Non, on attend une situation précise dans laquelle vous décrivez une situation donnée, un problème, l'initiative que vous avez prise pour résoudre le souci, et les résultats de cette initiative. Autrement dit, on vous demande de démontrer la qualité que vous venez d'énoncer. C'est tout à fait logique (beaucoup plus que de se baser sur une simple déclaration) mais ça demande au (à la) candidat.e de s'être creusé.e la cervelle pour se souvenir de situations qui permettraient de répondre aux questions. Je vous en dirais plus dans un article dédié à la recherche d'emploi, mais voilà, au début ça n'est pas naturel du tout. Je sens bien que je suis meilleure à ce jeu maintenant, après quatre ou cinq entretiens, que sur les premiers.

Pour le moment, je m'occupe à droite à gauche, en concevant des sites pour les copains (comme celui-ci, si vous cherchez un bon kinésiologue à Bordeaux :-)) et en continuant de rédiger des textes marketing en freelance. J'ai mis un pied dans la pratique - tellement américaine - du bénévolat en prenant en charge la maintenance et le design du site de l'Underpass Park Farmers' Market, histoire de donner un coup de main à cette super initiative. J'attends d'arriver au bout de mes trois processus en cours, qui devraient se dénouer sous peu maintenant. Si ceux-là ne donnent rien, là je commencerais à chercher du boulot en centre d'appels. J'espère pouvoir faire un article bientôt qui s'appellera "Les clés pour trouver un emploi dans sa branche à Toronto" et non pas "Les clés pour survivre sans emploi dans cette ville super-chère". Soyons optimistes !