J-8... Corona Point

22 mars 2020

Corona Point. On dirait un nom de plage australienne. Ça sonne bien, c'est sympa. Sauf qu'en fait pour nous, le point Corona, c'est le moment où on s'est dit qu'on n'allait pas partir de suite. Petit point sur la situation. Pour rappel, on devait, dans l'ordre, organiser un vide-maison le dimanche 22, avoir nos affaires récupérées par les déménageurs le 25, rendre la maison le 28, passer le week-end chez belle-maman et s'empiffrer de foie gras et aller prendre l'avion à Bordeaux le 30. On savait déjà que notre Bordeaux-Paris avait été avancé, on râlait parce qu'on allait passer 5h au lieu de 2 dans Roissy. On devrait être à 8 jours du départ en train de trépigner d'excitation et de s'agiter dans tous les sens pour vider la maison et la nettoyer. Et puis...

  • Le 14 mars au soir, alors qu'on est en pleine soirée d'adieux, la nouvelle tombe : les bars et les restaurants vont fermer à minuit. On savait déjà que les écoles et universités fermaient pour 15 jours mais même si ça nous inquiétait vaguement, ça ne représentait rien de concret pour nous.
  • Le 15, alors qu'on se remet - péniblement - de cette belle soirée, je consulte mes mails boulot et découvre qu'après maintes tergiversations de la direction, on nous demande de passer en télétravail dès que possible. Tant pis pour ma dernière semaine avec mes collègues, je passe le lundi matin récupérer mes affaires et faire le tri dans mon ordi. J'en profite pour laisser des petits mots sur les bureaux, ça vaut pas un pot de départ mais c'est mieux que rien. À ce stade-là, on continue de se dire que si notre avion est maintenu le 30 mars, on partira si on peut.
  • Le lundi 16 mars, Justin Trudeau sort de sa maison, où il est confiné, pour annoncer la fermeture des frontières (sauf citoyens canadiens, état-uniens et résidents permanents), pour un mois au moins. Dix minutes après, Emmanuel Macron annonce un confinement de 14 jours pour commencer. Dans la foulée, on apprend la fermeture des frontières de l'Union Européenne, pour 30 jours au moins. Bon là c'est clair, on ne partira pas le 30. Mais on ne quittera pas non plus la maison le 28...
  • Le jeudi 18, un décret du gouvernement canadien interdit l'entrée sur le territoire à tous les non-citoyens et non-résidents permanents jusqu'au... 30 juin. Deuxième coup de massue. Finalement, le surlendemain, cette interdiction ne concerne plus les gens comme nous, qui ont eu la confirmation de leur résidence permanente mais qui ne l'ont pas validée en entrant sur le territoire. Soulagement, nous ne sommes plus concernés par l'interdiction jusqu'au 30 juin (voir ici le communiqué de presse).

Voilà où on en est pour le moment. Passé le moment d'arrachage de cheveux en se disant qu'on aurait dû avancer notre départ, qu'on a été idiot de ne pas voir vers où tout ça se dirigeait, on réalise que de toute façon, arriver dans un pays qui tourne au ralenti n'aurait eu aucun intérêt pour nous. Les messages des PVTistes en détresse parce qu'ils ont perdu leur boulot alimentaire se succèdent sur les groupes facebook et les forums. Finalement, c'est plutôt mieux qu'on soit en France, près de nos familles et avec des solutions d'hébergement si nécessaire, que dans une des villes les plus chères d'Amérique, sans emploi et sans ami.e.s.

La vraie question pour nous maintenant c'est : comment et quand quitter notre maison ? On se retrouve à deux sur un chômage, étant donné que j'ai dû démissionner, autant dire que payer notre loyer habituel dans ces conditions va être... compliqué. C'est d'autant plus rageant que nos parents respectifs ont la place pour nous accueillir. Ce qui pose problème, ce sont nos affaires. Toutes les choses qu'on devait vendre/donner/jeter sur ces 10 derniers jours, plus évidemment notre vingtaine de cartons qui attendent sagement les déménageurs. Nous pouvons quitter la maison le 28 comme prévu, mais elle sera loin d'être vide... alors est-ce qu'on va continuer de payer un loyer ? Et quitte à le payer, est-ce qu'on ne ferait pas mieux de rester chez nous ? Autant de questions sans réponses.

Notre situation est loin d'être désespérée. On a des sous de côté, les parents pas loin, et somme toute une maison où vivre un confinement est plutôt agréable. On est très contents de ne pas avoir encore vendu la Play ni le vidéo-projecteur :-D Notre départ est juste repoussé, pas annulé*, et on va débrouiller d'ici là. Comme tout le monde quoi ! Courage à tou.te.s... Faites gaffe à vous, faites gaffe aux autres, prenez votre mal en patience... Et restez chez vous !!

* à ce sujet, le gouvernement canadien a annoncé la possibilité d'une extension des dates-limites de confirmation des résidences permanentes, entre autres mesures dérogatoires, comme indiqué ici.