18 mois au Canada !

31 décembre 2021

Je me souviens qu'il y a un an, j'ai fait un constat après 6 mois à Toronto. Le compte est facile pour nous, puisqu'on est arrivé à Toronto le 1er juillet, pile à la moitié de l'année. Le 1er juillet 2021, j'avais franchement pas envie de faire un bilan des 1 an à Toronto. Pourquoi ? Mais parce que sur ces 12 mois, on venait d'en passer 6 et demi en confinement. Le 1er juillet, on était enfin à nouveau libre depuis 3 semaines et j'avais mieux à faire que d'écrire un bilan, où de toute façon il n'y aurait pas eu grand-chose à dire (en plus, y'avait manif' :-D)

Depuis, la vie a repris, des gens sont venus nous voir, on a pu enfin profiter de l'hiver (et j'espère que c'est que le début), et même si Omicron nous mène la vie dure, l'ambiance n'est pas la même que l'an dernier et on a pu profiter de quelques mois de répit bien appréciables ! Ce qui signifie donc qu'on peut faire, toujours pas un bilan* mais quelques réflexions ! Sans plus attendre...

* Je me demande bien à partir de combien d'années j'estimerai avoir suffisamment d'expérience pour parler de bilan.

La vie, en général

La vie... va bien :-) On a une vie beaucoup plus active et aussi beaucoup plus tous les deux qu'en France. On avait chacun notre groupe de musique, j'avais le hand, le skim, j'ai passé 2 à 4h dans les transports tous les jours pendant deux ans... Donc on se retrouvait souvent le dimanche soir, vannés tous les deux, avant de rattaquer la semaine. L'ennui quand on a trop de passions ! Ici... bon déjà on a passé 6 mois et demi littéralement collés l'un à l'autre 24h sur 24, confinement oblige. Le pire, c'est que ça nous convenait ! Mais surtout, on a découvert le paddle et on s'y est mis tous les deux, on est parti camper cet été et on a aimé ça tous les deux, et on a monté un groupe de musique... tous les deux (mais pas que !). Bref, on faisait déjà pas mal de trucs ensemble mais maintenant, on est plus proche d'une hydre infernale à deux têtes (qui font les mêmes calembours merdiques, au même moment) qu'autre chose... Ah bravo, bravo le covid !

À part ça, on s'est plutôt bien adapté à la vie canadienne : on a nos petits restaurants et bars favoris, on mange tôt*, on a des maillots des Maple Leafs, des Blue Jays et des Argonauts, on va voir des matches - et on comprend ce qui se passe sur le terrain, on fait des pancakes même en camping, on a vu des ours, on considère des cottages où aller cet été ET cet hiver, on a acheté nos propres raquettes à neige, nos patins à glace... Honnêtement, je crois qu'il ne nous manque plus qu'un barbecue portable pour être totalement intégrés !

* 19h, ça va encore. Il paraîtrait qu'on aurait été vus en train de dîner avec appétit à 18h15 une fois, mais le manque de preuves empêche de tirer une véritable conclusion. No comment.

Coucher de soleil sur la skyline depuis Riverdale Est

Et puisqu'on parle de changement et d'intégration... Il faut mentionner un chagement fondamental : je pense que le Canada (Toronto en tout cas) nous rend plus... sympas. On constate qu'en France, l'habitude est au jugemement systématique. D'un côté, ça développe un sens critique que peu de Canadien.ne.s ont, alors que ce serait parfois pas mal de l'avoir un peu plus. De l'autre, on se pourrit nous-même la vie à porter un jugement sur tout et tout le monde. L'habitude canadienne de hausser imperceptiblement les sourcils et de laisser les choses se faire quand ils sont confrontés à quelque chose de différent ou d'inconnu, est très reposante. C'est d'ailleurs ce qui fait de Toronto une ville accueillante pour les personnes issues de minorités (quelles qu'elles soient) : tu peux parler n'importe quelle langue et t'habiller n'importe comment, personne te calcule. Et à force de vivre dans ce contexte, on remarque qu'on porte nous aussi moins de jugements hâtifs et qu'on est généralement plus positifs qu'avant.

Le revers de la médaille de toute cette positivité - et le moment où on se rend compte qu'on est quand même de bons français - c'est que les Canadien.ne.s ne s'indignent pas facilement. Quand une énormité se produit au niveau social ou politique, la réaction est souvent... faible, au bas mot. Le dicton que j'ai entendu le plus souvent, notamment au boulot, est "It is what it is" : "c'est comme ça". Et c'est souvent la seule réaction qu'on va obtenir. Les pensionnats catholiques ont assassiné et traumatisé des milliers d'enfants autochtones pendant 150 ans ? It's terrible but... it is what it is. Le gouvernement fédéral fait des promesses à la COP26 d'une main et construit des pipelines de l'autre ? It is what it is. La police montée en Colombie-Britannique protège les intérêts privés et violente les journalistes et manifestants ? Eh, it is what it is. En résumé, on se referme sur sa petite vie à soi, on serre les dents et on croise les doigts pour que ça continue de bien se passer pour nous. Ce côté fataliste et somme toute assez individualiste est assez surprenant pour nous, il faut bien l'avouer. En revanche, du coup, quand on rencontre des gens militants, ils le sont vraiment, et ça fait des conversations passionnantes ! Et puis au pire, on a toujours les quelques ami.e.s français.es qu'on s'est faits ici pour polémiquer sans fin :-D

Les copains

Bizarrement, six mois de lockdown ne nous ont pas tellement aidés à faire des rencontres. On a bien essayé une ou deux balades pour être en plein air mais... Avoir une conversation suivie quand il fait -10 °C, que tu baves dans ton masque et que tu ne peux pas marcher à deux ou trois de front sur un trottoir... Eh ben c'est pas facile ! Confinement, ça ne voulait pas seulement dire que les bars, restaurants, musées, salles de spectacles, cinémas, magasins et rayons "non-essentiels"* étaient fermés, mais aussi qu'on ne pouvait inviter personne chez soi. On s'est donc un peu refermés sur notre quotidien jeux vidéos-films-balades à deux. La reprise du rugby outre-Atlantique nous a aussi bien aidés !

* Ou "les écoles sont fermées mais vous ne pouvez pas acheter un putain de cahier de coloriage à Dollarama pour vos gosses".

Mais quand tout a enfin rouvert, on a repris nos bonnes habitudes, à commencer par le Farmers' Market de l'Underpass Park. J'ai repris mon rôle de webmaster, et on est tous les deux revenus comme bénévoles sur site, tous les jeudis soirs. Et en plus, parce qu'on est sûrement un peu cons, on s'est mis en tête de faire des petites vidéos sur les vendeurs, pour mieux les faire connaître. Au final, on a produit 13 vidéos et on travaille encore sur trois autres. Un peu cons, j'vous dis. Mais bref, l'Underpass nous permet d'abord de manger de super bons produits de juin à fin octobre, mais il nous a surtout permis de rencontrer des gens chouettes et de nouer ce qui ressemble à de vraies amitiés. Par exemple, à force de se gaver du houmous de chez Toot Kitchen, on a découvert qu'on ils étaient nos voisins. Alors bah du coup, on est allé boire un verre. Et alors bah du coup, on a parlé musique. Et puis bah du coup on a découvert que Filip était batteur. Et puis bah alors du coup, bah on fait du bruit de type guitare-basse-batterie sur une base hebdomadaire depuis. Accrochez-vous à votre salopette, Hangover Harvest débarque en 2022 - si on arrive à rigoler moins et travailler plus nos morceaux :p C'est un exemple, mais on commence à avoir à peu près reconstruit ce qu'on avait en France : un petit cercle, mais avec les bonnes personnes dedans :-)

La joie de jouer fort et beaucoup

Boulot boulot

Travailler c'est trop dur, comme disait l'Acadien honoraire Zachary Richard. Pour nous... là aussi, ça va toujours ! Je vous disais il y a un an que mon contrat de 12 mois avait été transformé en contrat permanent, donc je bosse toujours pour la même entreprise. Mes collègues sont toujours chouettes, le salaire est toujours bon et les bénéfices qui vont avec aussi. J'ai pu constater la vitesse d'exécution du système canadien pour se débarasser de quelqu'un, ou au contraire pour se barrer : des collègues ont été dégagés en 2 jours (deux jours !) et d'autres ont démissionné tout aussi rapidement. C'est un peu choquant, je reconnais. Si ça m'arrive un jour, j'espère que je ne le prendrais pas personnellement, parce que tout le monde est à la même enseigne, des vice-présidents aux grouillots. M'enfin, je suis toujours là pour l'instant !

Pour Mathieu, ç'a été un peu plus les montagnes russes. Il y a un an, il venait de perdre son boulot de barman dans un bar chic du Distillery District. Comme le bar était plutôt un boulot pour se mettre le pied à l'étrier, c'était pas si grave. La question, c'était pas tellement "est-ce que tu vas retrouver du boulot ?" mais plutôt "où vas-tu retrouver du boulot ?". En une petite quinzaine d'années (ou une grosse dizaine), il a été animateur et directeur de colo, serveur, cuistot de restauration rapide, brièvement régisseur dans le cinéma, éducateur spécialisé, comptable et donc barman. Il peut donc faire beaucoup de choses, mais après ces quelques mois à bosser soirs et week-ends, il cherchait plutôt du job de bureau, aux horaires fixes.

Après un entretien sans suite pour l'Alliance Française, il a rapidement trouvé un poste au titre ronflant "Bilingual Senior Administration Officer" dans une banque québecoise avec une antenne à Toronto. Cette banque semble se spécialiser dans les contrats au lance-pierres, jamais pérennisés et très mal administrés. Les PVTistes la reconnaîtront peut-être, car elle recrute principalement parmi cette cible de choix, qui parle français, n'est pas destinée à rester au Canada plus de deux ans et a besoin de payer ses factures. Contrats renouvelés le vendredi pour le lundi suivant, "oubli" des jours fériés, service informatique à la rue... Que du bonheur ! MAIS malgré tout, ça faisait un boulot pendant le confinement, un salaire fixe et une expérience canadienne pertinente en administration. Alors... On a fait aller, en se disant que Mathieu trouverait autre chose, à un moment. Il croit beaucoup aux rencontres et aux coups de pouce du destin et espérait bien "tomber sur un job" un de ces quatre. Je ne fonctionne pas du tout comme ça, mais c'est vrai qu'avec son CV hétéroclite, il peut être bon sur pleins de trucs à la fois et faire un bon assistant de direction, ou manager multi-tâches sur une petite structure. Et devinez quoi ? C'est exactement ce qui s'est passé !

Cet été, alors que je scrolle sur Instagram, je me rends compte que @la_vie_de_marianne est en train de faire exactement le trajet qu'on a en projet pour nos vacances en août. On papote par chat, on s'entend bien, on se dit qu'on devrait se faire un resto et puis pof, tiens, Marianne et Hadrien nous invitent à dîner pour Thanksgiving. Conversations habituelles pour des gens qui se rencontrent "en vrai" pour la première fois : tu viens d'où ? T'écoutes quoi comme musique ? Et évidemment la fameuse "qu'est-ce que tu fais comme travail ? -- Ben un truc pas fun, que j'aimerais bien quitter, mais j'aimerais bien que ce soit par une rencontre, un déclic -- Et tu sais faire quoi ? -- Un peu tout." Et paf, il se trouve que là où travaille Hadrien, ils vont bientôt se mettre à la recherche d'un remplacement pour l'assistante de direction qui part en congé maternité. Avance rapide, deux entretiens et un test écrit plus tard... Qui c'est qui a un nouveau boulot qu'il a trouvé grâce à une rencontre et un concours de circonstances ? Bingo ! Bon, il vient juste de commencer, mais il semble que ce nouveau job soit beaucoup plus à la hauteur de ses capacités, en plus d'être dans le secteur culturel. Quand on a passé les trois-quarts de sa vie professionnelle dans l'éducation et la culture... ça fait plus plaisir que de bosser pour une banque. Affaire à suivre, donc, mais Mathieu en est à son 4ème boulot depuis notre arrivée, avec une progression constante. Pas mal, non ?

Les street cars de Toronto

Et sinon ?

Et sinon... On n'a toujours pas de voiture. On a calculé qu'entre l'assurance, le parking, l'essence, la maintenance et le prix d'achat, ça nous coûtait moins cher de louer une voiture un week-end sur deux que d'en acheter une. Alors on fait ça ! Pour tout ce qui est dans Toronto, on continue de s'en sortir à vélo avec quelques bus et trams par-ci par-là. J'ai aussi utilisé Communauto une paire de fois mais... pff, comment dire... Ah voilà, c'est ça : ils sont nuls ! Ça mériterait un article entier tellement ils sont nuls et pas fiables. Mais franchement, on est très bien sans voiture. Le seul truc problématique, c'est pour aller surfer. Quand il y a des vagues à Woodbine Beach, je peux y aller à vélo ou en TTC, mais si le vent est orienté différemment, pas le choix, il faudrait une voiture, et pour l'instant j'ai pas encore réussi à me coordonner avec d'autres pour covoiturer. J'y arriverai !

Et sinon... Ce que j'avais écrit au bout de deux mois est toujours vrai. Il y a toujours beaucoup de pauvreté et de personnes sans domicile fixe à Toronto (7400 primo-arrivants dans les refuges en 2021, c'est une hausse énorme) et une non-gestion totale de la part la mairie, dont la seule réponse a été d'envoyer la police (+ une société de sécurité privée) lacérer les tentes et tabasser les gens. Yay. Il y a toujours autant de construction de condos dans Toronto, alors même que la ville a enregistré un record de 50 000 départs en 2020, et que les propriétaires ont du mal à louer leurs apparts. Construire des condos, pourquoi ? Pour qui ? On ne sait pas, mais ce qu'on sait c'est que ça rapporte à la ville, alors on signe les permis de construire, on démolit les vieux bâtiments du XIXème siècle (tant pis s'ils sont les témoins du passé de la ville) et-on-cons-truit.

Et sinon... Quelques bonnes adresses, pour finir en beauté ! Pour la plupart, elles sont dans notre secteur de Cabbage Town/Regent Park, qu'on a enfin pu découvrir après des mois à passer devant en geignant que c'était fermé.

  • Figs Breakfast & Lunch (Queen East & Parliament) est toujours notre spot à brunch et breakfast préféré !
  • Même si parfois, on leur fait ders infidélités en allant au House on Parliament, un pub anglais, sur Parliament (no shit Sherlock), où les cuisine est vraiment excellente, et au-dessus de la moyenne des pubs. L'endroit est aussi très beau, très cosy
  • Encore dans le même coin, The Irv est un gastro pub, qui propose principalement burgers et sandwiches, là aussi au-dessus de la moyenne en terme de cuisine. Et puis plein de bonnes bières, c'est toujours très important !
  • Butter Chicken Factory, toujours sur Parliament, qui propose des plats de l'Inde du nord, et notamment le butter chicken, quasi inévitable à Toronto. Simplement le meilleur indien de ma courte vie ! Beaucoup de plats végétariens, du qui pique, du qui pique pas... Le vin est à un prix raisonnable, la déco n'est pas kitsch du tout et oh là là qu'est-ce que c'est bon !
  • Mangia & Bevi, un bien bon resto italien sur Adelaide East et Ontario. Parce qu'il faut toujours avoir un resto italien dans ses bonnes adresses !
  • SugarKane (Danforth et Pape) est un restaurant cajun et carribéen, fondé par trois soeurs. Bah ça défonce tout, et ça nous a bien souvent sauvés de la dépression pendant le confinement.
  • Pomegranate, un restaurant iranien sur College et Bathurst (plus dans l'ouest, donc, pas dans notre fief!). Les plats sont vraiment savoureux, le service est impeccable et la petite salle vraiment jolie.
  • Et en dernier, pas un restaurant mais une mention spéciale pour les momos tibétains de nos amis de TC Tibetan MoMo ! Les MoMo sont un peu comme des gyozas japonais ou des dumplings chinois, mais en version tibétaine... et ceux de TC Tibetan MoMo sont très très bons :p vous pouvez les choper à emporter dans leur boutique à Etobicoke, ou sinon ils livrent aussi parfois

Je m'arrête là, c'est déjà trop long ! Pour un résumé avec plus d'images et moins de mots, c'est dans la vidéo juste en-dessous !

Excellente année 2022, allez prendre l'air souvent, écoutez de la bonne musique et dansez dans votre cuisine, chantez sous la douche, faites gaffe à vous et rêvez en grand !